Rédigé par 13 h 07 min Contentieux stratégique, Crimes internationaux

AMESYS : un système de surveillance au service du régime de Kadhafi

Les Faits…

En août 2011, une enquête du Wall Street Journal révèle que la société française AMESYS, filiale du groupe Bull, avait fourni en 2007 au dictateur libyen Muammar Kadhafi du matériel de surveillance à distance des télécommunications. Les journalistes ont découvert à Tripoli l’existence d’un immeuble de 6 étages entièrement dédié à l’interception des télécommunications. Cette enquête montre notamment comment le système Eagle vendu par AMESYS, qui permet de contrôler massivement internet, les réseaux sociaux, les conversations téléphoniques, était utilisé contre les opposants au régime dictatorial de Kadhafi.

Le Contentieux…

portrait endommagé Khadafi-AHMAD AL-RUBAYE AFP

Portrait endommagé de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi à Syrte, Lybie le 09.10.2011 – © AFP – Ahmad Al-Rubaye

Le 13 septembre 2011, Sherpa dépose plainte auprès du procureur de la République de Paris à l’encontre de la société AMESYS l’accusant d’avoir illégalement vendu un important dispositif de surveillance à distance destiné à traquer les forces rebelles et les opposants au régime. Sherpa considère en effet que, à l’instar de la vente de certains matériels militaires, ce type de transfert de technologie ne devrait être possible qu’avec l’autorisation du gouvernement français.

À travers cette plainte, Sherpa visait à obtenir l’ouverture d’une enquête, pour faire toute la lumière sur cette vente litigieuse et identifier le cas échéant les responsabilités. Au-delà, Sherpa dénonce la logique de profit tout azimut qui anime les acteurs économiques et leur fait perdre le sens du bien commun. En effet, Sherpa se défend d’avoir permis la traque des opposants en affirmant que le produit a été détourné de son objet premier – la surveillance des pédophiles, narcotrafiquants et terroristes en Libye – et en invoquant le contexte de rapprochement diplomatique entre la France et ce pays au moment de la vente. On a cependant du mal à imaginer que les dirigeants de la société AMESYS aient pu croire une seule seconde que le régime du Colonel Kadhafi, ouvertement autoritaire et violent, allait utiliser Eagle à des fins honorables.

Le 13 mars 2012, la plainte est classée sans suite…

Le motif ? Le Système Eagle « n’[est] pas soumis à autorisation en tant que matériel d’interception dès lors qu’il est destiné à l’exportation et non à une utilisation sur le territoire national ». Autrement dit: dès lors qu’un matériel liberticide est destiné à être exporté, il n’y a pas besoin de soumettre sa vente à autorisation… La France ferait donc peu de cas des violations des droits de l’Homme commises à l’étranger avec des moyens fournis par ses entreprises. Un deux poids deux mesures qui a suscité la réaction de nombreux parlementaires.

Pour autant, il est permis de penser que les agissements d’AMESYS ne resteront pas impunis puisque le 21 mai 2012, la justice a ouvert une information judiciaire contre AMESYS suite à la plainte déposée par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) pour complicité de tortures, en lien avec la vente du système Eagle au régime de Kadhafi.

Dernière modification: 17 décembre 2019
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