Communiqué de presse
Flux financiers illicites

Biens Mal Acquis : diffusion d’un mandat d’arrêt contre Teodorin Obiang

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Paris, le 13 juillet 2012. Monsieur Teodoro Nguema Obiang (TNO), fils du président de la Guinée Équatoriale et promu depuis peu deuxième vice-président[1], a pour la seconde fois refusé de se présenter chez les juges d’instruction Le Loire et Grouman en charge de l’affaire des Biens Mal Acquis. Ceux-ci l’avaient convoqué mercredi 11 juillet, afin de procéder à son interrogatoire de première comparution – préalable indispensable à sa mise en examen[2]. Le mandat d’arrêt, en suspens depuis la première convocation en mars[3], a été diffusé dans la foulée.

Sherpa et Transparence International France (TI France) saluent cette mesure, qui conforte une fois de plus les allégations portées par ces associations depuis 5 ans. La volonté des juges d’instruction de mettre en examen TNO n’est nullement une surprise tant les éléments à charge se sont accumulés ces derniers mois.

En septembre 2011, les magistrats avaient saisi plus d’une quinzaine de voitures de luxe lui appartenant : Maserati, Aston Martin, Rolls Royce, Porsche, Bugatti, Bentley, Ferrari…En février dernier, ce sont 3 pleins camions de biens de luxe, dont mobilier d’époque, œuvres d’art, bouteilles de vin que les juges avaient fait saisir durant une perquisition sans précédent de 10 jours.

Un patrimoine sans commune mesure avec ses revenus officiels : selon le Département de Justice américain, qui a engagé une procédure de confiscation de ses avoirs[4], TNO aurait dépensé plus de 300 millions de dollars entre 2000 et 2011, alors son salaire de ministre est estimé à 5 000 dollars par mois.[5]

« La diffusion d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’un responsable politique en fonction est une étape judiciaire importante ; il est cependant trop tôt pour préjuger de l’issue de la procédure tant les obstacles sont nombreux… » nuance William Bourdon, président de Sherpa et avocat de TI France.

Au premier rang de ces obstacles, l’immunité diplomatique, et tout spécialement l’immunité de complaisance dont TNO pourrait bénéficier par l’intermédiaire de l’UNESCO. En effet, le 13 octobre 2011, le gouvernement Équato-guinéen a en effet décidé de nommer TNO au poste de délégué permanent adjoint de la Guinée Équatoriale auprès de l’UNESCO, deux semaines à peine après la saisie de ses voitures de luxe par la justice française. Rappelons que Pierre Falcone avait eu recours à ce même procédé afin de se soustraire à la justice dans l’affaire de l’Angolagate[6].Il ne fait guère de doute que les motivations du gouvernement Équato-guinéen ne sont pas très éloignées de celles qui avaient présidées à la nomination de Monsieur Falcone – à savoir la volonté de contrarier le cours de la justice en France. Non seulement le timing est opportun, mais en outre le décret de nomination  indique très clairement que le Président de la République de Guinée Équatoriale a décidé de nommer Monsieur Teodoro Nguema Obiang Mangue « en réponse aux circonstances »[7].

La France, en tant qu’État hôte de l’UNESCO, a le pouvoir et le devoir de s’opposer à la nomination de « Teodorin » Obiang, en lui refusant le titre de séjour spécial auquel sont attachés les privilèges et immunités, permettant ainsi à la justice française de suivre son cours.

Il est inacceptable qu’une organisation internationale telle que l’UNESCO puisse être instrumentalisée aux fins de contrarier le cours d’une procédure judiciaire légalement ouverte en France.

Sherpa et TI france demandent solennellement au gouvernement français de déclarer TNO persona non grata ainsi que l’article 9 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques l’y autorise. Nous appelons par ailleurs le plus grand nombre à signer notre pétition en ligne en soutien à cette démarche.

[1] Source : http://www.guineaecuatorialpress.com/noticia.php?id=126

[2] Pour mémoire, les juges ne peuvent mettre en examen que « les personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer comme auteur ou complice, à la commission des infractions » dont ils sont saisis.

[3] www.asso-sherpa.org/archives/2064

[4] En octobre dernier, les autorités américaines ont annoncé avoir La procédure vise plus de 70 millions de dollars (USD) de biens mobiliers et immobiliers. Suivant Voir le communiqué de presse du département de Justice américain en date du 25 octobre 2011 :

http://www.justice.gov/opa/pr/2011/October/11-crm-1405.html

[5] Source : https://www.asso-sherpa.org/archives/2240

[6] Le 10 juin 2003, Monsieur Falcone avait été, suivant les termes employés par la cour de Cassation, « opportunément nommé » Ministre plénipotentiaire représentant de la République d’Angola auprès de l’UNESCO ce qui lui avait alors permis de se soustraire au contrôle judiciaire dont il faisait l’objet en France dans le cadre de l’enquête sur les ventes d’armes à l’Angola (Affaire de l’Angolagate). Même si, aux termes de plusieurs mois de procédure, les privilèges et immunités dont Monsieur Falcone entendait se prévaloir ont été écartés et qu’une condamnation pénale a pu être prononcée à son encontre il ne fait aucun doute que cette nomination a sérieusement entravé le bon déroulement de la justice en France.

[7] Voir le communiqué de presse publié par le gouvernement Équato-guinéen le 19 octobre 2011:

http://www.guineaecuatorialpress.com/noticia.php?id=1994

[8] Voir : https://www.asso-sherpa.org/archives/2067