Départ de William BOURDON

Communiqué Sherpa

Départ de  William BOURDON

Paris, le 17 novembre 2019 – Sherpa annonce le départ du conseil d’administration de William Bourdon, qui demeure Président Fondateur de l’association.

Avocat au barreau de Paris, il a fondé l’association Sherpa en 2001, accompagnant son développement en tant que président jusqu’en 2017. Il a été pendant de nombreuses années la voix de Sherpa, mettant son expertise engagée et sa vision innovante au profit de la lutte contre les crimes économiques à travers le monde.

C’est sous sa présidence que des contentieux stratégiques emblématiques ont été lancés, créant des précédents uniques dans la jurisprudence française, et permettant de faire durablement évoluer le cadre législatif français.

Il a été notamment à l’origine d’une plainte déposée devant le Tribunal de grande instance de Nanterre au nom de réfugiés birmans qui alléguaient avoir été victimes de travail forcé sur le site de Yadana exploité par TOTAL en Birmanie. Une information judiciaire avait été ouverte et à la suite d’une longue bataille judiciaire, une transaction était intervenue en novembre 2005. Par cet accord inédit, les plaignants avaient été indemnisés et les communautés birmanes réfugiées en Thaïlande avaient pu bénéficier d’un fonds d’un montant de 5 millions d’euros.

Il a été à l’initiative d’une plainte déposée en mars 2007 en sa qualité de Président de Sherpa ouvrant la grande saga judiciaire des Biens Mal Acquis. C’est cette procédure qui a contribué à l’émergence d’une jurisprudence sur la recevabilité des associations. Il est acté qu’elle a consolidé la compétence du juge français s’agissant de faits de blanchiment commis en France dont l’infraction source était commise à l’étranger. Le procès en appel de Teodoro NGUEMA OBIANG doit s’ouvrir en décembre, après que le 27 octobre 2017 il a été condamné à trois années d’emprisonnement avec sursis et à la confiscation de ses biens à hauteur de 175 millions d’euros. C’est cette procédure qui devrait être à l’origine, dans un futur proche, de l’adoption d’un cadre légal sur la restitution des avoirs aux populations spoliées.

C’est aussi son implication, ses ouvrages et tribunes qui ont contribué à franchir des étapes décisives dans la lutte contre l’impunité des multinationales ; ainsi de la mise en examen des cadres puis de l’entreprise Lafarge, parmi de multiples contentieux stratégiques montrant les failles du droit national et international concernant la responsabilité des acteurs économiques à travers leur chaine de valeur (notamment les procédures pour publicité trompeuse – Samsung et Auchan et pour esclavage moderne Vinci au Qatar). L’expérience de ces contentieux a servi de laboratoire pour appuyer l’adoption en 2017 de la loi sur le devoir de vigilance, consacrant légalement pour la première fois cette responsabilité, et qui comme telle, sert d’exemple à l’échelle internationale.

Sherpa garde aujourd’hui cet esprit pionner et innovant. L’arrivée de Franceline Lepany en 2017 à la présidence avait déjà ouvert une nouvelle ère pour Sherpa, caractérisée par la prise des fonctions de directrice par Sandra Cossart et le renouvellement d’une grande partie de l’équipe. Celle-ci, avec l’appui du Conseil d’Administration, perpétue et développe aujourd’hui la vision de Sherpa initiée par William Bourdon.

Sherpa continuera de développer son rôle et son réseau international, et s’appuiera sur des ressources et une équipe renforcée, pour construire et promouvoir un droit plus protecteur des populations face à la mondialisation. Sherpa pourra compter sur l’appui, même plus distant, de William Bourdon dans la mise en œuvre de cette stratégie, ce dont elle le remercie chaleureusement.

Sherpa répond aux accusations du JDD

Communiqué de Presse-24 septembre 2019

Sherpa répond aux accusations du JDD [1]

Notre organisation a été une nouvelle fois gravement mise en cause ce 22 septembre dans le Journal du dimanche. Sans aucun fondement, Sherpa se trouve accusée d’instrumentaliser une enquête judiciaire à des fins qui seraient étrangères à son mandat.

Notre accès au dossier sur le financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy est parfaitement légitime : Sherpa étant toujours partie civile dans cette affaire, elle a pu régulièrement accéder au dossier de l’enquête. Les juges n’ont d’ailleurs jamais remis en cause la constitution de l’association dans cette affaire.

Notre transparence sur le sujet résulte notamment de tribune et pétition publiées en mars 2019 qui exposaient clairement la situation au regard de l’obtention de notre agrément.

Sherpa “n’intrigue” nullement est n’est pas un “passager clandestin” dans la lutte contre la criminalité financière. Lutter contre les nouvelles formes d’impunités, qu’il s’agisse des flux financiers illicites ou de la responsabilité des acteurs économiques, guide nos propositions de réformes qui découlent de notre constat quotidien des obstacles nombreux à l’application du droit en matière économique.

C’est dans ce but que, depuis sa création, Sherpa œuvre pour instaurer une véritable responsabilité sociale et environnementale des entreprises et a ainsi contribué à l’adoption il y a deux ans d’une loi sur un devoir de vigilance des entreprises. Sherpa est également à l’origine de l’ensemble des procédures dites des Biens Mal Acquis ayant conduit à un jugement historique du fils de Teodoro Obiang le condamnant pour différents délits financiers (un appel est en cours), et a initié la procédure contre Lafarge et certains de ses responsables, la procédure Vinci Qatar, ou encore la procédure Samsung ayant conduit à la mise en examen de l’entreprise.

Quelles que soient les personnalités mises en cause, les faits présumés notamment de corruption active et passive, de trafic d’influence, faux et usage de faux, d’abus de bien sociaux, blanchiment et recel de ces infractions, complicité de ces infractions, comme ceux de corruption active et passive d’agents publics étrangers, entrent totalement dans le champ de notre action en raison de notre objet social statutaire et de notre expertise reconnue.

En revanche, il semble que la défense d’un ou plusieurs mis en examen dans l’affaire libyenne, relayée par le JDD, voudrait mettre à profit une procédure judiciaire à l’encontre de l’un des administrateurs de la Fondation pour l’Egalité des Chances en Afrique. Cette procédure serait la cause du non-renouvellement de l’agrément.

Or, il s’agit d’une fondation philanthropique belge reconnue d’utilité publique, qui soutient également Human Rights Watch, SOS méditerranée ou encore le prix Nobel de la paix Denis Mukwege. Sherpa a toujours été transparente, comme indiqué sur son site et dans ses rapports d’activités sur ce soutien, au même titre que celui de nombreuses autres fondations.

Sherpa rappelle que cette campagne de dénigrement semble s’inscrire dans une offensive plus générale de rétrécissement de l’action publique dont témoignent les attaques contre Anticor après la mise en examen de M. Ferrand, aux fins de tenter de réduire au silence les associations anticorruption.

Enfin, Sherpa rappelle que Me William Bourdon, personnellement mis en cause dans l’article publié dans le JDD comme il l’a été depuis l’ouverture d’une première enquête visant trois Chefs d’Etat africains en 2007, n’a plus de rôle dirigeant au sein de Sherpa.

Certes sa voix et son expertise continuent de nous aider dans certaines des actions que nous menons mais l’activité de Sherpa est conduite par sa présidente en exercice et sa directrice, signataires du présent communiqué avec le soutien de ses équipes.

[1] https://www.lejdd.fr/Societe/Justice/sarkozy-kadhafi-comment-long-sherpa-a-acces-au-dossier-sans-en-avoir-le-droit-3920997

Rafales en Inde : nouvelle campagne de dénigrement contre Sherpa

SHERPA fait à nouveau l’objet d’une campagne de dénigrement à la suite de la plainte qu’elle a déposée dans l’affaire des Rafales. 

SHERPA est familière des initiatives visant à discréditer son action chaque fois que ses actions ont visé les corrupteurs de la planète, qu’il s’agisse d’acteurs privés ou publics.

Elle doit à nouveau rappeler que contrairement à ce qui a été indiqué dans différents médias indiens et ailleurs, elle n’est à la solde de personne et qu’elle a toujours agi dans une totale indépendance.

Il est plus précisément totalement inexact d’indiquer, comme l’ont fait différents médias indiens, que SHERPA ne serait financé que par Monsieur Mohamed BOUAMATOU, et qu’elle n’agirait que dans son seul intérêt. Quiconque consultera les bilans financiers disponibles sur le site internet de SHERPA, constatera que celle-ci reçoit depuis des années des subventions de nombreux et différents organismes privés et publics, outre des dons.

Il sera rappelé que les enquêtes relatives à la Mauritanie ne constituent qu’une de ses activités absolument marginales.

Quiconque consulte le site de SHERPA, constatera que ce sont évidemment les grands contentieux tels que les Biens Mal Acquis en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale (ayant conduit, et c’est une décision sans précédent, à la condamnation de Téodorin OBIANG, fils du Président de Guinée Equatoriale, par un jugement en date du 27 octobre 2017 frappé d’appel pour différentes infractions financières), les dossiers LAFARGE / BNP PARIBAS / AUCHAN / SAMSUNG / VINCI, qui sont l’essentiel des activités de SHERPA.

SHERPA a mené un travail pionnier sur le cadre juridique de la responsablité sociale et environnementale des entreprises, en particulier sur le devoir de vigilance qui, grâce à une campagne de plaidoyer a abouti au vote d’une loi historique en mars 2017. Cette loi sur le devoir de vigilance est désormais un marqueur essentiel et un objectif pour de nombreux autres pays dans le monde, et pour l’Union Européenne.

Par ailleurs, toutes les procédures en diffamation dirigées contre SHERPA et qui ne sont autre que des « procédures bâillons » ont échoué.

SHERPA attend du Parquet National Financier qu’une enquête soit ouverte compte tenu des présomptions sérieuses de la commission des infractions dénoncées.

SHERPA continuera à agir dans le respect de son objet et à trouver des remèdes adaptés à l’ensemble des dommages résultant de l’impunité avec laquelle les grands responsables privés ou publics continuent d’endommager l’intérêt général, de mépriser et violer la loi et leurs engagements.

Tribune – Face aux poursuites-bâillons de Bolloré : nous ne nous tairons pas !

Face aux poursuites-bâillons de Bolloré : nous ne nous tairons pas !

Ce jeudi 25 janvier s’ouvre un procès contre trois journaux (Mediapart, L’Obs, Le Point) et deux ONG (Sherpa et ReAct), attaqués en diffamation par la holding luxembourgeoise Socfin et sa filiale camerounaise Socapalm, fortement liées au groupe Bolloré, Vincent Bolloré lui-même siégeant au sein de leur conseil d’administration. Les plaignants leur reprochent des articles relatant les mobilisations de villageois et d’agriculteurs ouest-africains voisins d’exploitations gérées par ces deux sociétés. Alors qu’hier encore, le TGI de Paris déboutait la société Bolloré dans une énième plainte en diffamation contre le journal Les Inrocks, le procès de demain marque une nouvelle étape dans les poursuites judiciaires lancées par le magnat breton et ses partenaires contre des médias, des organisations non gouvernementales ou des journalistes, qui ont évoqué les coulisses de ses activités économiques et commerciales en Afrique, ses liens avec la holding luxembourgeoise Socfin et les conséquences des acquisitions de terre à grande échelle.

Depuis 2009, plus d’une vingtaine de procédures en diffamation ont ainsi été lancées par Bolloré ou la Socfin en France et à l’étranger – pour contourner la loi de 1881 sur la liberté de la presse – contre des articles, des reportages audiovisuels, des rapports d’organisations non gouvernementales, et même un livre. France Inter, France Culture, France

Info, France 2, Bastamag, Le Monde, Les Inrocks, Libération, Mediapart, L’Obs, Le Point, Rue 89, Greenpeace, React, Sherpa… Une cinquantaine de journalistes, d’avocats, de photographes, de responsables d’ONG et de directeurs de médias, ont été visés par Bolloré et ses partenaires (voir la liste ci-dessous) !

Au vu de leur ampleur, nous estimons que ces poursuites judiciaires s’apparentent à des « poursuites-bâillons ». Ces procédures lancées par des grandes entreprises multinationales sont en train de devenir la norme. Apple, Areva, Vinci ou Véolia ont récemment attaqué en justice des organisations non gouvernementales ou des lanceurs d’alerte. En multipliant les procédures judiciaires dans des proportions inédites – quitte à les abandonner en cours de route –, le groupe Bolloré en a fait une mesure de rétorsion quasi-automatique dès lors que sont évoquées publiquement ses activités africaines. Ces attaques en justice contre les journalistes viennent s’ajouter à d’autres types d’entraves à la liberté de la presse dont est désormais coutumier le groupe Bolloré. En 2014, son agence de communication Havas avait par exemple tenté de supprimer plus de 7 millions d’euros de publicité au journal Le Monde, suite à une enquête sur les activités de Vincent Bolloré en Côte d’Ivoire. Sans oublier la déprogrammation ou la censure de plusieurs documentaires que Canal+ (groupe Vivendi) devait diffuser.

Ces poursuites systématiques visent à faire pression, à fragiliser financièrement, à isoler tout journaliste, lanceur d’alerte ou organisation qui mettrait en lumière les activités et pratiques contestables de géants économiques comme le groupe Bolloré. Objectif : les dissuader d’enquêter et les réduire au silence, pour que le « secret des affaires », quand celles-ci ont des conséquences potentiellement néfastes, demeure bien gardé. C’est l’intérêt général et la liberté d’expression qui sont ainsi directement attaqués. Les communautés locales, les journalistes, les associations, les avocats, ou les lanceurs d’alerte : tous les maillons de la chaîne des défenseurs de droits sont visés par ces poursuites.

Nous, collectifs, journalistes, médias, organisations non gouvernementales, apportons notre soutien aux journalistes et organisations qui comparaîtront les 25 et 26 janvier, et à tous les acteurs poursuivis dans le cadre de ces poursuites-bâillons. Des réformes devront être proposées en France pour imiter d’autres pays comme le Québec, ou certains états des Etats-Unis ou d’Australie, vers un renforcement de la liberté d’expression et une meilleure protection des victimes de ces poursuites-bâillons. Informer n’est pas un délit ! On ne se taira pas !

Signataires 

Jean-Pierre Canet (journaliste),  Benoît Collombat (journaliste, Radio France), Nadia Djabali (journaliste), Samuel Forey (journaliste, prix Albert Londres 2017, L’Ebdo), Raphaël Garrigos (journaliste, Les Jours), Simon Gouin (journaliste, Bastamag), Maureen Grisot (journaliste), Elodie Guéguen (journaliste, Radio France), Pierre Haski (journaliste, Rue 89), Thomas Horeau (journaliste, France 2), Dan Israel (journaliste, Mediapart), Erik Kervellec (directeur de la rédaction, France Info), Geoffrey Le Guilcher (Les Inrocks), John-Paul Lepers (journaliste, La Télé Libre), Julien Lusson (ancien directeur de publication, Bastamag), Jacques Monin (journaliste, Radio France), Jean-Baptiste Naudet (journaliste, L’Obs), Nicolas Poincaré (journaliste, Europe 1), Martine Orange (journaliste, Mediapart), Fanny Pigeaud (journaliste), Matthieu Rénier (journaliste, prix Albert Londres 2017, France 2), Isabelle Ricq (photographe), Jean-Baptiste Rivoire (journaliste, Canal+), Isabelle Roberts (journaliste, Les Jours), Agnès Rousseaux (journaliste, Bastamag), Ivan du Roy (journaliste, Bastamag), David Servenay (journaliste), David Thomson (journaliste, Prix Albert Londres 2017, RFI), Nicolas Vescovacci (journaliste), Tristan Waleckx (journaliste, prix Albert Londres 2017, France 2).

Médias et organisations

Abaca Press, ActionAid France, AFASPA 95, Alternatives économiques, Association de la presse judiciaire, Attac France, Bastamag, Bondy Blog, collectif « Informer n’est pas un délit », collectif « On ne se taira pas », Collectif des associations citoyennes, CRID, France Libertés, GRAIN, Greenpeace France, Les Jours, Mediapart, Prix Albert Londres, Ritimo, ReAct, Reporters sans frontières, Sherpa, Survie, La Télé Libre, Union syndicale Solidaires.

Sociétés des journalistes ou des rédacteurs de

AFP, BFM TV, Challenges, Les Echos, Europe 1, France 2, France 3, Le Monde, L’Humanité, Libération, L’Obs, Mediapart, M6, Premières Lignes, Radio France, RMC,  RTL, Télérama, TF1, TV5Monde, La Vie.

Les procès en cours et à venir :

- Plainte en diffamation de Bolloré contre Jean-Baptiste Naudet (L’Obs) : audience initialement prévue le 14 décembre 2017, repoussée à la demande du plaignant.
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Geoffrey Le Guilcher (Les Inrocks) : plainte jugée irrecevable le 23 janvier 2018.
- Plainte en diffamation de Socfin contre Dan Israel (Mediapart), les associations ReAct et Sherpa : audience prévue les 25 et 26 janvier 2018 à la 17ème chambre du TGI de Paris.
- Plainte en diffamation contre Nadia Djabali, Ivan du Roy, Agnes Rousseaux (Bastamag), ainsi que Rue 89, et trois blogueurs ayant relayé l’article – Thierry Lamireau (enseignant retraité), Dominique Martin Ferrari (journaliste) et Laurent Ménard (ébéniste) : relaxe le 7 avril 2016, relaxe confirmée en appel le 12 février 2017, pourvoi en cassation de Bolloré (audience en juin ou septembre 2018)
- Plainte en diffamation contre Simon Gouin et Julien Lusson (Bastamag) : audience prévue le 2 octobre 2018
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Elodie Guéguen (France Info) : relaxe le 5 juillet 2016, appel de Bolloré (audience en attente)
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Benoît Collombat et Florence Sultan (Calmann-Lévy) pour le livre “Informer n’est pas un délit” : audience en attente
- Plainte en diffamation de Socfin contre l’organisation Greenpeace : audience en attente
- Plainte française en diffamation de Bolloré contre France 2 et Tristan Waleckx : audience en attente
- Plainte commerciale en dénigrement de Bolloré contre France 2 : audience en attente
- Plainte camerounaise en diffamation de Socapalm (filiale Socfin) contre France 2, Nicolas Poincaré et Tristan Waleckx : audience en attente
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Mediapart et Fanny Pigeaud : audience en attente
- Plainte préventive pour dénigrement de Bolloré contre le journaliste Nicolas Vescovacci : audience en attente
- Plainte en diffamation de la Socfin au Sierra Leone contre les organisations indépendantes Green Scenery (Sierra Leone) et Oakland Institute (Etats-Unis) en 2013 : procédure en cours

Les poursuites passées :

- Plainte en diffamation de Bolloré contre l’Agence Ecofin (Agence africaine d’informations économiques et financières). Bolloré est débouté en 1ère instance (15 juin 2016) puis en appel (7 juin 2017).
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Maureen Grisot et Renaud Candelier (France Culture) : retrait de la plainte le 10 mars 2016 (21 jours avant l’audience prévue le 31 mars 2016)
- Plainte en diffamation de Bolloré et Socapalm (filiale Socfin) contre France Inter et Benoît Collombat : condamnation le 6 mai 2010, relaxe face à la Socapalm.
- Plainte en diffamation de Bolloré contre France Inter et Isabelle Ricq : retrait de la plainte le 18 juin 2010 (14 jours avant l’audience prévue prévue le 2 juillet 2010)
- Plainte en diffamation de Bolloré contre l’association Sherpa : retrait de la plainte le 5 juin 2013
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Benoît Collombat et David Servenay (Rue 89) : retrait de la plainte le 7 janvier 2014.
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Martine Orange (Mediapart) : retrait de la plainte le 9 décembre 2013
- Plainte en diffamation de Bolloré contre Libération et Fanny Pigeaud : condamnation de Libération pour la légende de la photo le 23 octobre 2014, relaxe de Fanny Pigeaud.

Cette tribune, dont Sherpa est à l’origine avec d’autres ONG et médias, a été publiée le 24 janvier 2018. Retrouvez PDF de la tribune en cliquant ici.

Quand les multinationales réduisent les défenseurs des droits humains au silence

Par Sherpa le 23 mars 2017, sur La Tribune
Quand les multinationales réduisent les défenseurs des droits humains au silenceLes “poursuites-baîllons” mises en oeuvre par les entreprises, pour limiter la liberté d’expression, se multiplient. Par l’association Sherpa, association de juristes et d’avocats défendant les populations victimes de “crimes économiques”

La valeur des 10 plus grosses multinationales représente aujourd’hui la richesse totale des 180 pays les plus pauvres[1]. La montée en puissance de quelques géants du secteur privé sur les Etats s’accompagne par la recrudescence des cas de violations des droits fondamentaux dans le cadre des activités des multinationales. 65% des entreprises en France ont été impliquées dans des controverses concernant des violations de droits humains ces dix dernières années[2].

Pourtant, le lobbying des acteurs économiques a récemment facilité un renforcement de la protection de ses intérêts avec l’adoption de textes tels que la directive européenne sur le secret des affaires, tout en généralisant les « poursuites-baillons[3] » à l’encontre des personnes dénonçant des abus. Le procès Luxleaks reflète bien ce déséquilibre du rapport de force entre une multinationale telle que PwC et un lanceur d’alerte – Antoine Deltour – à travers des poursuites et des condamnations à l’encontre de l’intérêt général. Que ce soit les communautés locales, les journalistes, les ONG, avocats, ou lanceurs d’alerte, aucun de ces maillons de la chaîne des défenseurs de droits n’est épargné.

 Poursuites-bâillons

Les systèmes juridiques des États où les grands groupes choisissent de délocaliser leurs activités ont souvent en commun de ne pas protéger les communautés et défenseurs de droits contre ce type de poursuites. Il en résulte une prolifération des cas d’arrestations arbitraires, de menaces et violences physiques, restés impunis

La lutte contre ces poursuites-bâillons passe alors par la protection de ces défenseurs, et par la garantie d’un relai de leur parole par les ONG, avocats, journalistes ou lanceurs d’alertes. Pourtant on assiste à la diversification et la multiplication fulgurante des procédures de poursuites-bâillons contre eux.

 Inflation de procédures

En effet, sujette à de multiples procédures en diffamation de la part des entreprises, telles que Bolloré ou Socfin, Sherpa a assisté à ce décuplement de procédures en subissant six différentes attaques de la part de Vinci, suite à la plainte de l’association pour travail forcé au Qatar. De même, l’augmentation considérable des sommes demandées pour réparer le prétendu dommage de « réputation » paraît démesurée face aux moyens des victimes. 400 000 euros ont été demandés à Sherpa par Vinci, à la place de l’euro symbolique, ou cinquante millions d’euros, par le groupe Bolloré à France 2, sur le fondement du dénigrement commercial.

Ces poursuites visent à affaiblir psychologiquement et financièrement toutes les organisations qui mettent en lumière les violations de droits humains et environnementaux dans la vie publique pour l’intérêt général. Le coût financier d’une défense contre des géants du secteur privé s’apparente souvent au combat de David contre Goliath. De par l’ampleur des risques financiers encourus, ces procédures sont suffisamment dissuasives pour que les organisations s’autocensurent. Les poursuites-bâillons menacent ainsi directement la liberté d’expression mais aussi l’accès de tous à la justice.

 Interdiction de publier

Ces poursuites-bâillons atteignent leur paroxysme lorsque les multinationales obtiennent non seulement l’interdiction de publier des informations, mais en prime l’obligation de taire cette dernière. Dans l’affaire dite du « Probo Koala », l’entreprise Trafigura a ainsi obtenu d’un juge une interdiction faite au journal « The Guardian » de publier des éléments mettant en cause la société, mais également une interdiction de divulguer cette censure. Face à la concentration grandissante de contrôle des médias par des puissances économiques, il est encore plus essentiel que les individus ou organisations défenseurs de droits indépendants puissent s’exprimer librement, afin de faire primer l’intérêt général sur l’intérêt privé.

Un progrès significatif vers la responsabilisation des multinationales pour leurs activités à l’étranger qui violeraient les droits humains a été amorcé le 21 février grâce à l’adoption de la proposition de loi sur le devoir de vigilance. Dans un contexte de surprotection des intérêts privés, il est essentiel que cette rare disposition annonciatrice d’une mondialisation plus juste ne soit pas censurée par le Conseil constitutionnel au nom de la liberté d’entreprendre.

Renforcement de la liberté d’expression

Dans cette lancée de résistance législative, donnant voie aux défenseurs de droits, la France pourrait à présent imiter d’autres pays vers un renforcement de la liberté d’expression, contre les poursuites-bâillons.

Les solutions techniques existent à l’instar de l’obligation pour l’entreprise de déclarer (ou même prouver) que l’action judicaire engagée n’est pas une poursuite-bâillon, prévoir des procédures de accélérées en cas de poursuite-bâillon, ou un aménagement de la charge de la preuve. Pour remédier par ailleurs au problème d’accès à la justice, des mesures telles que la création d’un fond spécifique d’aide à la disposition des défendeurs, l’imposition de provision pour frais, l’établissement d’une assurance publique, ou encore l’obligation de condamner les initiateurs à régler l’intégralité des frais de procédure, et des dommages et intérêts exemplaires, pourraient rassurer les défenseurs dans l’exercice de leur liberté d’expression.

La dépénalisation de la diffamation, telle que proposée par Vincent Vigneau, conseiller à la Cour de cassation, pourrait également permettre un renforcement de l’égalité des parties, une meilleure prise en charge des frais de justice, et la possibilité d’obliger une entreprise à publier une décision qui la débouterait de son action en diffamation. La France pourrait enfin se doter d’une loi « anti poursuites-bâillons» à la mesure de ses ambitions, à l’instar du Québec, de certains états des Etats Unis, ou de l’Australie, où la diffamation est interdite pour les entreprises de plus de dix salariés.

Retrouver notre publication sur le site internet de La Tribune ici.

[1] http://www.globaljustice.org.uk/blog/2016/sep/12/corporations-running-world-used-be-science-fiction-now-its-reality

[2] Etude menée par ECCJ (European Coalition for Corporate Justice) et IPIS (International Peace Information Service) : http://corporatejustice.org/Over-half-of-European-Companies.html?lang=en

[3] Ou en anglais SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation).

Multinationales et droits humains : les entreprises du CAC 40 s’expriment

5 juin 2014 – Interrogées par des organisations de la société civile, en association avec des investisseurs responsables, 30 entreprises* ont répondu à un questionnaire sur les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits humains. Un an après l’effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh, il s’agit de la première expression publique des entreprises françaises sur le sujet. Bien qu’une grande partie d’entre elles déclare adhérer aux principes (devoir des Etats de protéger les populations des atteintes à leurs droits fondamentaux,  devoir des entreprises de respecter ces droits, et l’accès des victimes à la réparation, le cas échéant) elles se montrent majoritairement défavorables à une évolution du droit qui permettrait leur application effective. Pour ce qui relève du droit des victimes à la justice, elles privilégient les mécanismes extra-judiciaires non contraignants  au recours judiciaire.

Ce questionnaire a été adressé le 25 mars dernier par le CCFD-Terre Solidaire, le Collectif Ethique sur l’étiquette, Peuples Solidaires/ActionAid France et Sherpa, associations membres du Forum citoyen pour la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) en association avec l’Association Ethique et Investissement ainsi que Meeschaert Asset Management. Nos organisations se félicitent du taux de réponses : 30 entreprises* sur les 40 interrogées ont en effet accepté de répondre précisément aux questions posées.

Les réponses** indiquent que les entreprises accordent un soutien unanime aux Principes directeurs des Nations Unies, et quasi-unanime aux obligations faites aux Etats de protéger les droits de l’Homme et aux entreprises de les respecter dans le cadre de leurs activités. Elles adhérent également à 80% à la proposition d’un assortiment de mesures contraignantes et volontaires.

Pourtant, ces déclarations entrent en contradiction avec le détail des réponses faites aux questions relatives à l’accès des victimes à la justice et l’adoption par les Etats de mesures contraignantes visant à mettre en œuvre ces principes. Ainsi, seule une moitié d’entre elles s’exprime en faveur de l’accès des victimes à la justice ; l’autre ne se prononce pas. Et les précisions apportées dans les commentaires marquent en réalité une forte opposition à une évolution du cadre juridique qui permettrait pourtant de lever les obstacles existants en matière d’accès des victimes à la justice dans le pays d’origine de l’entreprise. Au total, 70% n’y est pas favorable. Pour une partie des entreprises, l’existence même d’obstacles relatifs à l’accès à la justice est contestée (notamment Pernod Ricard, GDF Suez ou Alstom).

Les mécanismes de médiation extra-judiciaires non contraignants sont clairement privilégiés par les entreprises au détriment de la justiciabilité (accès à un tribunal). Ainsi, GDF-Suez, L’Oréal ou encore Pernod-Ricard soulignent l’intérêt des points de contacts nationaux (PCN) de l’OCDE, tandis que Renault, Michelin, Kering mettent en avant le manque d’efficacité des procédures judiciaires supposément coûteuses et longues. Enfin, certaines entreprises, à l’instar de Schneider Electric ou Safran, invoquent le respect du droit international privé pour défendre le principe d’autonomie des maisons-mères vis-à-vis de leurs filiales.

Reconnaissant l’obligation qui incombe à l’Etat de protéger les populations des atteintes à leurs droits fondamentaux pouvant découler de l’activité économique, une majorité d’entreprises s’oppose pourtant à l’instauration de mesures contraignantes. Le Groupe Alstom met en avant la difficulté de leur application, tandis qu’Orange évoque le risque « de freiner le développement économique ». Les entreprises semblent ainsi attachées à une vision d’une RSE fondée uniquement sur des mesures volontaires et dont elles seraient les seules garantes.

Les réponses à ce questionnaire interviennent en pleine actualité législative. 4 groupes parlementaires (PS, EELV, PC, PRG) viennent de déposer une proposition de loi introduisant un devoir de vigilance en matière de droits humains pour les multinationales vis-à-vis de l’ensemble de leurs relations d’affaires***. Ce texte ouvre la voie en cas de manquement à des poursuites judiciaires, pénales comme civiles, permettant ainsi l’accès des victimes à la justice du pays d’origine de l’entreprise. Les réponses d’une majorité des plus grandes entreprises françaises au questionnaire, mettent en lumière leur opposition au contenu d’une telle loi.

Nos organisations rappellent:

 – l’inefficacité trop souvent avérée des seules initiatives volontaires pour prévenir de futures atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par l’activité des multinationales ; l’actualité nous en offre des exemples fréquents,

 – l’inadéquation trop souvent constatée des mécanismes extra-judiciaires pour permettre aux victimes de violations de leurs droits fondamentaux d’obtenir réparation.

Elles demandent au gouvernement :

 – la levée  du voile juridique qui permet aujourd’hui de maintenir l’impunité des multinationales lorsque leurs activités se traduisent par des atteintes aux droits fondamentaux et à l’environnement en dehors du territoire, en  soutenant notamment la proposition de loi sur le devoir de vigilance des multinationales et son inscription à l’ordre du jour dans les plus brefs délais,

 – de s’engager à traduire dans sa législation nationale les principes auxquels elle a adhéré au niveau international,

 – de soutenir l’instauration d’un processus intergouvernemental aboutissant à la mise en place d’un instrument contraignant, lors de la prochaine session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.

* 6 entreprises n’ont pas répondu (Air Liquide, Alcatel-Lucent, ArcelorMittal, Axa, Essilor international et Lafarge). Parmi les 34 entreprises ayant répondu, 4 ne se sont pas conformées au format du questionnaire : elles ont choisi de ne pas répondre précisément aux questions posées mais nous ont transmis des commentaires sur chacune d’entre elles. Il s’agit d’Airbus Groupe, Danone, Total et Vinci. Pour des raisons méthodologiques ces 4 réponses ne sont par conséquent pas prises en compte dans l’analyse des résultats du questionnaire. L’analyse porte donc sur les réponses des 30 entreprises suivantes : Accor, Alstom, BNP Paribas, Bouygues, Cap Gemini, Carrefour, Crédit agricole, EDF, GDF Suez, Gemalto, Kering, L’Oréal, Legrand, LVMH, Michelin, Orange, Pernod Ricard, Publicis Groupe, Renault, Safran, Saint Gobain, Sanofi, Schneider Electric, Société Générale, Solvay, Technip, Unibail-Rodamco, Vallourec, Veolia Environnement et Vivendi.

** Voir l’analyse complète des réponses au questionnaire

*** La proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre est disponible à cette adresse.