Communiqué de presse
Espace civique

Secret des affaires et minerais de conflit : nouvelle victoire contre l’opacité des multinationales !

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Paris, 21 novembre 2022 – Le Tribunal administratif de Paris juge que le nom des entreprises soumises au Règlement européen sur les minerais de conflit n’est couvert ni par le secret des affaires ni par le secret des douanes. Cette décision fait suite à un recours déposé par l’association Sherpa, à qui l’administration avait refusé de communiquer ces noms. Si l’association se félicite de cette décision, elle rappelle toutefois que le secret des affaires constitue encore et toujours une entrave à la liberté d’informer et à la lutte contre l’impunité des multinationales.

Dans le cadre de la préparation d’une étude sur les liens entre multinationales et minerais de conflits, Sherpa avait demandé en 2019 à la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la transition écologique et solidaire, la liste des entreprises soumises au Règlement européen sur les minerais de conflits. Ce Règlement impose notamment de nouvelles obligations aux entreprises françaises qui importent un certain volume d’or, d’étain, de tantale ou de tungstène.

Toutefois, la DGALN, autorité en charge du contrôle du Règlement sur les minerais de conflits, a refusé de transmettre la liste, en invoquant le secret des affaires et le secret des douanes. Soutenue par un avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), l’association Sherpa avait alors déposé un recours devant le Tribunal administratif de Paris, pour voir imposer à l’administration la communication de la liste des sociétés concernées.

Dans son jugement, le Tribunal considère que la liste n’est couverte ni par le secret des affaires ni par le secret des douanes, notamment en raison des obligations de transparence contenues dans le Règlement sur les minerais de conflit. Il annule le refus de l’administration et lui enjoint de communiquer la liste sous deux mois à compter de la notification du jugement.

Cette affaire constitue une avancée contre le secret des affaires et l’impunité des multinationales. La protection légale accordée à divers secrets d’entreprises favorise l’opacité autour de leurs activités les plus néfastes. Elle constitue une entrave à la liberté d’expression et d’information des journalistes et associations, comme démontré par de nombreuses affaires : Challenges et Castorama ; Le Monde et les implants médicaux défectueux ; Amnesty International, ECCHR et Riquest et les ventes d’armes au Yémen ; Disclose et la sécurité sanitaire chez Lactalis  ; Reflets.fr et la société Altice ; Anticor et la Fondation LVMH.

Ces secrets limitent l’accès à la justice contre les multinationales en empêchant la collecte des preuves nécessaires devant un tribunal. D’autant que, si les secrets des entreprises sont bien protégés en droit, les mécanismes d’accès aux preuves pour les individus affectés par une entreprise sont quant à eux déficients.

Ces secrets viennent en outre contredire les objectifs affichés par les nouvelles législations supposées encadrer les multinationales. Alors que les décideurs semblent s’affairer à multiplier les textes visant à « responsabiliser » les entreprises, ceux-ci risquent d’être vidés de leur substance par la protection accordée aux différents secrets. Plutôt que d’être confié à des juges, le contrôle des obligations est en outre quasi systématiquement confié à des autorités administratives qui verrouillent l’accès à l’information au bénéfice des entreprises en question.

Aussi, Sherpa appelle à consacrer un droit d’accès aux informations détenues par les entreprises, dès lors que celles-ci peuvent intéresser le public et à confier le contrôle et la mise en œuvre des obligations des entreprises à la justice.

Pour plus d’informations : presse@asso-sherpa.org