Communiqué de presse
Impunité des multinationales

Des palmiers et des hommes : Comment la SOCAPALM viole les droits sociaux et environnementaux des communautés locales

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Paris, 7 décembre 2010MISEREOR (Allemagne), le Centre pour l’environnement et le développement (Cameroun), la FOCARFE (Cameroun) et l’association Sherpa (France) publient ce jour un rapport qui dresse le bilan de la privatisation de la Socapalm (Société Camerounaise de Palmeraies), la plus importante exploitation d’huile de palme au Cameroun.

Avant l’installation de la Socapalm, la région était couverte d’une forêt pluviale de type guinéo-congolais exceptionnellement riche en biodiversité. Elle était habitée par des populations de paysans-chasseurs Bantous mais également, dans la région de Kienké, par des communautés de chasseurs-cueilleurs Bagyeli (« pygmées »), toutes deux dépendantes, à des degrés différents, des ressources forestières que ce soit pour leur alimentation, leur pharmacopée, ou encore pour leur spiritualité.

Avec l’arrivée de l’entreprise en 1968, des hectares de forêt ont été défrichés puis progressivement remplacés par des monocultures de palmier à huile, réduisant d’autant les surfaces sylvicoles jusqu’alors utilisées par les populations locales pour leurs activités de chasse et de collecte. Avec l’implantation de la Socapalm, ce sont pareillement des milliers d’hectares de terres arables qui ont été soustraits aux populations locales tandis que de nombreuses zones de pêche leur sont devenues inaccessibles du fait de leur localisation à l’intérieur de la plantation.

Dans l’esprit des pouvoirs publics, les désagréments causés aux communautés riveraines de la Socapalm devaient être compensés par les services publics ainsi que les opportunités d’emploi et d’affaires qu’offrirait le nouveau complexe agro-industriel. Cependant, faute de rentabilité suffisante, l’entreprise publique n’est pas parvenue à assurer de manière effective lesdites missions de service public.

La privatisation de la Socapalm, opérée sous l’impulsion de la Banque Mondiale et du FMI dans le cadre des mesures d’ajustement structurel, était censée donner un nouveau souffle à l’entreprise agro-industrielle et in fine, apporter aux communautés locales les contreparties promises. Il n’en est cependant rien : loin d’apaiser les tensions entre l’entreprise agro-industrielle et les populations locales, la privatisation n’a fait qu’aggraver le sort de ces communautés. La logique de profit qui anime depuis 2000 la société privatisée semble en effet mal s’accommoder avec les aspirations et besoins des populations locales qui ont désormais coutume d’évoquer la Socapalm en ces termes : « A la Socapalm, un palmier vaut bien plus que cent hommes ».

Les populations locales ne bénéficient pas des débouchés d’emploi et d’affaires qu’offre la plantation; la manière dont la société conduit ses activités altère la qualité de leur environnement et présente un risque sérieux pour leur santé. Les communautés riveraines vivent par ailleurs sous la menace permanente des rondes menées par les agents de la société de surveillance. Les salariés de la plantation se voient imposer des conditions de travail et d’hébergement déplorables.

Les associations déplorent le niveau extrêmement bas des standards d’opération de la Socapalm au Cameroun qui s’écartent des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (1) sur plusieurs points fondamentaux ; aussi ont-elles décidés de déposer auprès des points de contact nationaux (2) français, belge et luxembourgeois une « circonstance spécifique » (3) – communément désignée sous l’expression de plainte OCDE – à l’encontre des sociétés Bolloré (France), Financière du champ de Mars (Belgique), Socfinal (Luxembourg) et Intercultures (Luxembourg). Toutes quatre exercent de concert le contrôle des opérations sur place.

A travers cette plainte, les associations entendent dénoncer les dommages sociaux et environnementaux causés par la Socapalm aux populations locales ainsi que les conditions de vie et de travail des employés des plantations. Elles attendent des points de contact nationaux saisis qu’ils mettent tout en œuvre afin que des mesures concrètes soient prises pour non seulement réparer les atteintes causées mais également en prévenir la répétition.

Un point presse est organisé ce jour à 16.00 au cabinet de Maître William Bourdon (156, rue de Rivoli 75001 Paris) en la présence des Messieurs Samuel Nguiffo (CED) et Honoré Ndoumbe Nkotto (FOCARFE).

Notes:

(1) Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sont des recommandations adressées aux entreprises par les gouvernements qui y ont souscrit. Les principes directeurs portent sur la protection des droits de l’homme, la publication d’informations, l’emploi et les relations professionnelles, l’environnement, la science et la technologie, la concurrence, la fiscalité, la protection des consommateurs, ou encore la lutte contre la corruption.

(2) Dans chacun des pays adhérant aux principes directeurs de l’OCDE, un Point de contact national est chargé de les promouvoir, les diffuser et les mettre en œuvre.

(3) L’expression « circonstance spécifique » provient des Principes directeurs de l’OCDE. Toute personne, organisation ou collectivité qui estime que les agissements ou les activités d’une entreprise multinationale enfreignent les Principes directeurs peut officiellement demander l’examen d’une « circonstance spécifique » au point de contact national du pays où l’entreprise multinationale a son siège. De ce fait, une circonstance spécifique renvoie à « une question ou une situation » soulevée par les parties intéressées qui serait contraire aux Principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales.

Pour aller plus loin:

  • Télécharger le rapport sur la Socapalm [pdf]