« Ce 10 novembre devra être la première Journée européenne contre l’impunité des multinationales: pour qu’enfin les multinationales fassent passer les personnes et l’environnement avant les profits! » écrivent dans leur tribune Bernard Pinaud (CCFD-Terre Solidaire), William Bourdon (Sherpa), Martine Laplante (Les Amis de la Terre France), Jean-Paul Sornay (Peuples Solidaires) et Bernard Salamand (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement)
Les catastrophes industrielles, telles la marée noire dans le golfe du Mexique ou encore la coulée de boue rouge toxique en Hongrie mettent en lumière la nécessité d’une régulation pour les multinationales. L’indignation profonde suscitée récemment par ces événements dramatiques, s’ajoutant à celle provoquée par la crise financière, a favorisé, au cœur même du libéralisme, l’adoption d’une loi pour obliger les multinationales cotées à Wall Street à être un peu plus transparentes. Dans le même temps, des initiatives sont prises par certains pays, récemment au Canada, pour rendre ces entreprises – notamment dans le domaine minier – plus responsables des agissements de leurs filiales du fait des dommages écologiques ou sanitaires qu’elles causent dans les pays du Sud.
Dans son discours du 25 octobre 2007 présentant les conclusions du Grenelle de l’environnement, Nicolas Sarkozy avait déclaré: « Il n’est pas admissible qu’une maison mère ne soit pas tenue pour responsable des atteintes portées à l’environnement par ses filiales ». Or, trois ans après, force est de constater qu’on est encore loin du compte.
En particulier, lorsqu’il s’agit d’impacts dans les pays en développement. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, à l’heure où les multinationales font du développement durable leur nouvelle doxa, si la filiale d’une entreprise européenne commet de graves violations des droits de l’Homme ou provoque des dommages environnementaux irréversibles, la responsabilité de tels agissements n’incombe que très difficilement à la société-mère. Et cela, même si cette dernière est la principale bénéficiaire des profits réalisés par sa filiale dont l’autonomie de décision est bien souvent une fiction.
Aucune loi n’impose en effet aux multinationales de rendre compte des impacts de leurs filiales ou de leurs fournisseurs dans d’autres pays. Ainsi, les victimes de ces dommages sont privées de toute réparation. On affiche de la responsabilité au Nord, mais on laisse faire l’irresponsabilité juridique au Sud.
La financiarisation de l’économie, non seulement accentue un décrochage avec l’économie réelle, mais fait des engagements volontaires des multinationales de simples instruments d’un affichage éthique en direction des consommateurs et des autorités publiques.
L’impunité dont bénéficient à ce jour les multinationales est-elle encore acceptable alors que ces acteurs économiques sont très souvent plus puissants que certains Etats dans lesquels ils opèrent? Tandis que, depuis quelques décennies, la communauté internationale pousse à faciliter les échanges commerciaux, aucun cadre normatif international véritablement contraignant n’est venu protéger les personnes et l’environnement contre les possibles impacts négatifs nés de la mondialisation économique.
Alors que nous commémorons aujourd’hui la mort de Ken Saro-Wiwa, écrivain nigérian condamné à la peine capitale pour s’être battu pour la survie du peuple Ogoni et contre les abus d’entreprises pétrolières, les auteurs de la présente tribune en partenariat avec de nombreuses organisations des sociétés civiles à travers toute l’Europe et des pays du Sud, entendent faire du 10 novembre la première Journée européenne contre l’impunité des multinationales: pour qu’enfin les multinationales fassent passer les personnes et l’environnement avant les profits!
Tribune publiée par Médiapart le 9 novembre 2010.
Dernière modification: 14 juin 2023