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Note de position : Projet de loi pour lutter contre la corruption

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Paris, le 27/01/2016 – Sherpa appelle le gouvernement à déposer rapidement devant l’Assemblée nationale le projet de loi pour lutter contre la corruption.

La lutte contre la corruption est un enjeu majeur de notre époque. C’est pourquoi il est crucial de réformer et moderniser le dispositif français de lutte contre la corruption. Annoncé lors de l’été 2015, le projet de loi inclurait la création d’une Agence nationale de lutte contre la corruption, plus de transparence des lobbys, et la protection des lanceurs d’alerte. Sherpa soutient l’annonce de ces propositions et encourage le gouvernement à inscrire rapidement ce projet de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Afin de permettre le bon fonctionnement de l’Agence nationale de lutte contre la corruption, le projet de loi doit garantir son indépendance et la doter de moyens humains et financiers suffisants pour la réalisation de ses missions via par exemple un financement autonome.

En outre, pour que cette réforme mène aux changements de pratiques escomptés, l’Agence devra vérifier que les entreprises mettent en œuvre de manière effective des mesures de prévention et de détection de la corruption afin d’éviter les programmes de prévention et de détection de façade. A l’instar du droit britannique il serait souhaitable de prévoir une nouvelle incrimination pénalisant le défaut de mise en place de mesures effectives de prévention.

Enfin, anonymat et sécurité doivent être garantis aux lanceurs d’alerte. Ils devront également bénéficier d’un appui juridique en cas de représailles et/ou de perte d’emploi. Cette Agence devrait pouvoir recommander, dans des cas exceptionnels, au procureur de la République qui, bien entendu, devra avoir le dernier mot, d’octroyer une forme d’immunité à certains lanceurs d’alerte. En effet, on sait que, dans les cas les plus graves, la révélation des secrets impliquant leur violation ne peut intervenir qu’au risque de poursuites pénales, sinon de la mort professionnelle, de ceux qui en prennent le risque.

Ce projet de loi se doit donc d’être ambitieux pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux actuels. Les recommandations effectuées par l’OCDE, les Nations-Unies ou encore le GRECO telles que l’incrimination du trafic d’influence ou l’enrichissement illicite doivent être prises en compte. La participation de la société civile, qui possède une expertise et une connaissance des questions de lutte contre la corruption, est par ailleurs fondamentale et doit être érigée en principe au sein de ce projet de loi.

Enfin, ce projet de loi doit permettre de conduire à de réels changements de pratique et de culture d’entreprise. Les sanctions financières prononcées à l’encontre des entreprises sont notoirement insuffisantes comme l’a relevé à plusieurs reprises le groupe de travail de l’OCDE. Il reste donc crucial de renforcer une politique pénale effective d’identification et de poursuites des auteurs d’actes de corruption qu’il s’agisse de personne physique ou morale. Par ailleurs, si le principe d’une transaction entre une entreprise et la justice semble de prime abord séduisante, l’expérience américaine montre qu’elle conduit rarement à des changements de pratiques. Par conséquent, la France doit tenir compte de ce constat et faire preuve d’exemplarité en permettant que les responsables soient traduits en justice. Un signal fort contre l’impunité serait alors envoyé et amènerait à une véritable culture d’entreprise vertueuse.