Communiqué de presse
Flux financiers illicites

Registre public des trusts : le Conseil Constitutionnel envoie un signal très négatif en matière de lutte contre la fraude fiscale

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Vendredi 21 octobre 2016, le Conseil Constitutionnel a déclaré que le registre public des trusts, était contraire à la Constitution, au motif qu’il porte « une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée »[1]. Instauré en juillet 2016, ce registre constituait l’un des éléments de  la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, l’une des deux lois dite « Cahuzac ». Les organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, qui s’étaient réjouies de cette avancée vers plus de transparence, déplorent cet avis.

Comme l’a rappelé le scandale des Panama Papers en avril dernier, les trusts, ces structures juridiques qui permettent de cacher l’identité des propriétaires réels d’actifs, sont au cœur des scandales de fraude fiscale, mais aussi de corruption, de détournements d’argent public, de trafics d’êtres humains, d’armes, de drogue. Les organisations de la société civile plaident depuis longtemps pour la création de registres publics : ils permettraient en effet d’identifier les véritables détenteurs des actifs dans ces structures pour lutter, entre autres, contre la fraude fiscale, qui chaque année coûte plusieurs centaines de milliards d’euros aux Etats.

Les parlementaires français avaient fait un pas en avant décisif, en votant en faveur de la création d’un tel registre public, qui devait s’appliquer non seulement aux trusts français, mais également à tous les trusts dont l’une des parties prenantes (bénéficiaires, constituants, administrateurs) est de nationalité française.

Le décret d’application attendu pendant près de deux ans et demi a finalement été publié en juin 2016 à la suite du scandale des Panama Papers, mais le registre n’est finalement resté en ligne qu’une dizaine de jours, avant que le Conseil d’Etat, saisi par une ressortissante américaine craignant pour sa vie privée, ne suspende le registre, en attendant une décision du Conseil Constitutionnel. L’avis, rendu public vendredi 21 octobre, envoie un signal très négatif pour la lutte contre la fraude fiscale, et ce d’autant plus que l’Union européenne s’apprête à débattre, dans les prochains mois de la création de registres similaires.

« Le Conseil Constitutionnel vient de faire voler en éclat une des grandes avancées du quinquennat en matière de transparence.  Une avancée qui permettait à la France de se positionner à l’avant-garde de la lutte contre la fraude fiscale. C’est regrettable, car si le droit à la vie privée est bien sûr très important, le principe d’égalité devant l’impôt est lui aussi inscrit dans la Constitution. D’autre part, le signal envoyé à l’Union européenne, qui se penche en ce moment même sur la possibilité de créer de de tels registres publics, est on ne peut plus négatif » regrettent les organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et judiciaires.

Le ministre des finances a réagi à cette décision en en « prenant acte » tout en ajoutant « que [cette décision] ne remet pas en cause le principe même de l’institution de ce registre mais vient souligner la nécessité de mieux encadrer la diffusion d’informations relevant de la vie privée ».

Nos organisations appellent le ministre des finances à prendre en compte l’avis du Conseil constitutionnel sans perdre l’esprit de la loi de 2013 et à continuer à se positionner en faveur d’un registre public des trusts au niveau européen.

[1] http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2016-591-qpc/decision-n-2016-591-qpc-du-21-octobre-2016.148055.html