Communiqué de presse
Flux financiers illicites

UNESCO : Le prix Obiang reste en suspens ; Sherpa et TI France demandent sa suppression définitive

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Paris, le 5 octobre 2011 – Sherpa et Transparence International France se réjouissent de la décision du Conseil Exécutif de l’UNESCO rendue hier soir de ne pas rétablir le très controversé Prix International pour la Recherche en Sciences de la Vie, portant le nom du président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbsaogo. Cependant, les ONG déplorent que la suppression définitive du prix n’ait toujours pas été prononcée.

Lors d’une réunion des 58 membres du Conseil Exécutif de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, les délégations gouvernementales ont décidé de maintenir la suspension du prix UNESCO-Obiang dont le montant s’élève à 3 millions de dollars. Aucun consensus n’ayant pu être trouvé, la question sera à nouveau abordée lors de la prochaine réunion du Conseil au printemps 2012.

Le Prix Obiang avait été créé sur décision du Conseil en octobre 2008, mais n’a jamais été attribué. A la suite d’une campagne de protestation internationale, la directrice générale de l’UNESCO Irina Bokova avait demandé au Conseil d’étudier à nouveau la question en juin 2010. Elle avait alors manifesté son inquiétude quant au risque que l’attribution d’un tel prix représente pour la réputation de l’organisation. En octobre 2010, le Conseil Exécutif avait, faute de consensus, décidé de suspendre le prix pour une durée indéterminée.

Le Président Obiang a obtenu le retour du prix à l’ordre du jour à l’appui d’une résolution de l’Union Africaine (UA) votée en sa faveur en juin dernier, lors du sommet qu’il accueillait à Malabo en tant que président temporaire de l’UA.

Le Prix UNESCO-Obiang a pourtant rencontré une vive opposition de la part des gouvernements comme de la société civile. La semaine dernière, un collectif d’organisations[1] a envoyé une lettre à Mme Bokova et appelé le Conseil à s’abstenir de toute décision tant que les suspicions quant à l’origine des fonds n’auront pas été éclaircies.

Le 29 septembre dernier, 18 éminents écrivains, journalistes et acteurs publics, dont le Prix Nobel de la Paix l’émérite archevêque Desmond Tutu, le célèbre écrivain nigérien Chinua Achebe et le poète et ancien ambassadeur du Mexique à l’UNESCO Homero Aridjis, ont lancé un appel supplémentaire à rejeter la demande d’Obiang, qui détient maintenant le record d’Afrique de longévité au pouvoir. Le 30 septembre, la directrice générale de l’UNESCO elle-même a appelé Obiang à retirer son prix, pour mettre fin à la division de l’organisation.

Le président Obiang a subi deux autres revers la semaine dernière à Paris. La police a saisi onze voitures de luxe[2] appartenant à son fils aîné dans son hôtel particulier de l’Avenue Foch dans le cadre de « l’Affaire des Biens Mal Acquis » portée par Sherpa et Transparence International France, une information judiciaire en cours portant sur les avoirs qu’auraient acquis grâce au produit de la corruption le président Obiang et son entourage en France.

Par ailleurs, le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté le président Obiang de sa plainte en diffamation à l’encontre du CCFD-Terre Solidaire[3] pour un rapport publié en 2009, qui détaille les avoirs détournés par plus de 30 dirigeants des pays en développement, dont le président Obiang. Dans sa décision, le tribunal a déclaré qu’« un homme politique du plus haut niveau, singulièrement un chef d’État, doit apprendre à souffrir la critique, inhérente au fonctionnement démocratique. »

« Ces récents événements ne pouvaient être ignorés par l’UNESCO », déclare Maître William Bourdon, président de l’association Sherpa. « Il est impensable que cette organisation puisse servir de vitrine humaniste au régime de Teodoro Obiang, tenu pour l’un des plus corrompu et répressif au monde », ajoute l’avocat.


[1] SHERPA, Equatorial Guinea Justice, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative.

[2] Article de Slate Afrique « Guinée Équatoriale : le fils Obiang privé de Ferrari »

[3] Article d’Afrique en Ligne : « France : Teodoro Obiang Nguema perd son procès en diffamation contre le CCFD »