Tandis que les auteurs des crimes les plus graves, comme les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide, peuvent être traduits en justice depuis la création de la Cour Pénale Internationale (CPI) en 2002; la course effrénée aux profits dans le contexte de la mondialisation est à l’origine de nouvelles formes d’impunité.
Les catastrophes industrielles, telles que celle du Probo Koala avec déversement de 600 tonnes de déchets toxiques dans la ville d’Abidjan en Côte d’Ivoire (2006), sont se multipliées à un rythme inquiétant ces dernières années occasionnant des dommages environnementaux et sociaux parfois irréversibles.
Dans de nombreuses régions du monde, la mondialisation est par ailleurs venue bouleverser les modes de vie des populations autochtones. Les rares communautés qui ont la chance de ne pas être expulsées voient leurs moyens de subsistance traditionnelle disparaître à mesure que les exploitations industrielles se développent.
Et de citer pour preuve le nombre effarant de langues autochtones qui sont menacées de disparition: suivant un récent rapport des Nations Unies près de 90% des langues parlées par les populations autochtones à l’échelle mondiale risquent de disparaître au cours des 100 prochaines années.
Mouvements de contestation réprimés
Les droits fondamentaux des travailleurs sont constamment négligés au profit d’une réduction systématique des coûts et du maintien d’un niveau toujours plus élevé de la cadence de la production. Dans certains pays, il n’est pas rare que les mouvements de grève soient réprimés de manière de manière brutale voire meurtrière.
Ce même souci de productivité a, en outre, pris le pas sur la qualité des produits finaux de sorte que les consommateurs ne sont guère épargnés par cette logique. Là encore, l’affaire des jouets contaminés au plomb de l’usine Mattel en Chine suffit à le démontrer. Depuis quelques années, les entreprises ont tendance à multiplier les engagements en matière sociale et environnementale.
Or, cette prolifération de normes volontaires, aussi encourageante soit-elle, ne s’est pas traduite par une diminution des atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement. Pire, certaines ont tendance à tirer un profit abusif de ces engagements éthiques pour en faire de des arguments de vente.
Les personnes et l’environnement sont trop souvent les victimes des activités des multinationales en particulier dans les pays du Sud. Or, l’absence de cadre réglementaire adapté à la mondialisation ne permet pas d’établir les responsabilités et d’obtenir réparation des préjudices.
Il est temps de réguler l’activité des multinationales! La campagne “Des Droits pour Tous, des Règles pour les Multinationales!” exige des responsables politiques de l’Union européenne une législation contraignante qui encadre de manière effective l’activité des multinationales. Les multinationales doivent être tenues légalement responsables des préjudices qu’elles, ou les entreprises qui leur sont affiliées, causent aux personnes et à l’environnement, en Europe comme ailleurs.
Alors que nous commémorons aujourd’hui la mort de Ken Saro-Wiwa, écrivain nigérien condamné à la peine capitale pour s’être battu pour la survie du peuple Ogoni, les auteurs de la présente tribune en partenariat avec de nombreuses organisations de la société civile à travers toute l’Europe, entendent faire de cette journée, la première journée européenne contre l’impunité des multinationales: pour qu’enfin les multinationales fassent passer les personnes et l’environnement avant les profits !
Par Sandra Cossart et Maud Perdriel-Vaissière
Tribune publiée par Youphil le 10 novembre 2010.