Communiqué de presse
Influence des entreprises

Affaire Samsung et pratiques commerciales trompeuses : l’irrecevabilité de l’action des ONG confirmée

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Sherpa-Samsung

Sherpa et ActionAid revendiquaient la possibilité d’agir contre la multinationale sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses. La Cour de cassation a rejeté leurs pourvois, confirmant par la même occasion que la mise en examen du géant de l’électronique est annulée. Les ONG dénoncent la restriction de leur possiblité d’agir en justice sur ce fondement, malvenue à l’heure où le fairwashing des entreprises s’intensifie.

Très présente en Asie, Samsung se targue d’être une entreprise citoyenne socialement responsable, dans des supports de communication largement diffusés. Elle est pourtant mise en cause dans de nombreux rapports pour des atteintes graves aux droits d’ouvrier·ère·s travaillant dans ses usines en Chine, Corée et au Vietnam. Il ressort d’enquêtes menées par plusieurs ONG sur le terrain que les travailleurs et travailleuses, principalement des femmes, courent notamment des risques graves pour leur santé en raison de leur exposition chronique à des produits toxiques.

Face à la déconnection criante entre ses engagements éthiques et la réalité des conditions de travail des ouvrier·ère·s, Sherpa et ActionAid France avaient déposé plainte, considérant que cette stratégie commerciale relevait du blanchiment d’image (fairwashing) et constituait une pratique commerciale trompeuse. Après sa mise en examen, la société Samsung France, filiale de Samsung Electronics Co. Ltd, avait contesté la possibilité pour les ONG d’agir sur ce fondement, en relevant qu’elles ne disposaient pas de l’agrément nécessaire en matière de droit de la consommation. Les juges d’appel ayant déclaré leur action irrecevable et annulé la mise en examen de Samsung France, les ONG avaient saisi la Cour de cassation.

La Cour de cassation vient de confirmer la précédente décision. Elle va même un peu plus loin. En jugeant que le recours en cassation n’est pas possible, et en contraignant les associations à prendre en charge une partie des frais de justice de Samsung, elle signale implicitement que la question est tranchée et la solution défavorable aux ONG désormais bien établie.

Or, « cette jurisprudence nuit gravement à l’accès à la justice », explique Laura Bourgeois, chargée de contentieux et de plaidoyer à Sherpa. « Actuellement, les juges retiennent une interprétation restrictive de la possibilité pour les associations d’agir devant les juridictions pénales. Or, ces actions sont indispensables à la défense de certaines causes d’intérêt général – souvent entravée par des considérations politiques, ou de certaines victimes – qui n’ont pas la possibilité d’engager des démarches en justice ».

Dès lors que les actions devant la justice pénale pour pratiques commerciales trompeuses semblent réservées à un nombre restreint d’ONG disposant d’un agrément particulier, cette décision ne fait que conforter les multinationales dans la possibilité de tirer profit, sans trop d’inquiétude, de campagnes de marketing RSE concernant des engagements éthiques qu’elles ne respectent pas en pratique.

Tout espoir n’est cependant pas perdu : la plainte déposée contre Samsung sur le même fondement en 2021 par UFC-Que choisir, association de consommateurs et consommatrices agréée, suit son cours et pourrait amener la justice à se prononcer.

Par ailleurs, le fondement des pratiques commerciales trompeuses est également au cœur d’une autre action judiciaire visant à sanctionner le fairwashing, lancée en 2022 devant une juridiction civile cette fois, contre TotalEnergies, par les Amis de la Terre, Greenpeace et Notre Affaire à Tous.

À l’heure actuelle, le blanchiment d’image n’est pas spécifiquement réprimé en tant que tel par le droit français.

Pour Salma Lamqaddam, chargée de campagne à ActionAid France : « Il est urgent de réguler l’activité des multinationales et d’obliger les entreprises se prévalant de missions sociales à véritablement contrôler leurs filières. Nous continuerons à nous mobiliser pour que le cadre légal évolue au niveau européen et international afin d’obliger les multinationales à respecter les droits et la dignité des travailleurs et travailleuses à travers la planète. »

Communiqué de : 

Sherpa et ActionAid France

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