Pour une justice par-delà
les frontières
Perenco est une multinationale spécialisée dans l’exploitation de puits de pétrole en fin de vie. Seul opérateur pétrolier en République Démocratique du Congo (RDC), le groupe est mis en cause par de nombreux rapports et enquêtes du Sénat congolais, d’associations congolaises et internationales pour des atteintes graves à l’environnement et aux droits des communautés riveraines.
Sherpa et les Amis de la Terre France enquêtent depuis des années sur l’implication de la société française Perenco S.A. dans les activités pétrolières déployées par le groupe en RDC. Face à l’opacité du groupe et de son organisation, les associations ont engagé en 2019 une action judiciaire « avant procès » au moyen d’un outil spécifique (l’article 145 du Code de procédure civile) visant à obtenir plus d’informations sur les liens entre Perenco S.A. et les sociétés qui opèrent localement, en RDC. Elles ont obtenu une décision les autorisant à faire saisir des documents internes au siège de la société française à Paris, mais cette dernière a refusé de l’exécuter en bloquant l’accès de l’huissier à ses locaux. Les associations ont alors renouvelé leur demande puis, face au refus des premiers juges et de la Cour d’appel, elles ont saisi la Cour de cassation, qui a tranché en leur faveur en mars 2022. La Cour a jugé que la possibilité pour les associations de lancer cette action se décidait selon la loi française, et non selon la loi étrangère comme le soutenait l’entreprise.
A la suite de cette procédure, Sherpa et les Amis de la Terre France, soutenues par l’ONG Environmental Investigation Agency (EIA-US), ont assigné Perenco S.A. devant le Tribunal judiciaire de Paris en novembre 2022. Elles demandent que la société française soit condamnée à réparer les préjudices écologiques causés en RDC, au titre de sa responsabilité civile. Les associations demandent également au Tribunal de contraindre l’entreprise à prendre des mesures pour faire cesser les dommages environnementaux et prévenir de nouvelles atteintes à l’environnement.
Le droit est un outil de pouvoir dans la mondialisation, il innerve les rapports de force et favorise l’impunité des plus puissants. Du fait de leur caractère transnational, ou d’enjeux politiques et économiques, de nombreuses situations de violations échappent à la justice. Saisir les juridictions doit permettre de replacer le débat sur le terrain du droit, de donner la parole aux personnes affectées et ainsi de restituer l’outil juridique aux mouvements sociaux.
Grâce au travail d’ONG et de journalistes, les conséquences néfastes de la globalisation sont de plus en plus documentées et dénoncées. Nos actions judiciaires permettent d’engager un débat contradictoire, d’établir les faits, et d’appliquer les règles de droit à ces situations. Elles visent aussi à apporter des solutions concrètes en faisant cesser des violations, en engageant la responsabilité des acteurs concernés et/ou en permettant aux victimes d’obtenir réparation.
Appuyant notre plaidoyer et associées à notre laboratoire de droit et partage d’expérience, nos actions en justice ont vocation à contribuer à un changement plus large et durable. Elles nourrissent le débat public pour mettre en lumière les limites du cadre juridique et les obstacles auxquels font face les victimes du capitalisme mondialisé. Elles établissent des précédents qui viennent façonner un cadre juridique plus protecteur.