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Dossier Sarkozy / financements libyens : les faits de corruption concernant Airbus en Libye face à la justice négociée

Paris, 29 novembre 2022Demain, le Tribunal judiciaire de Paris, validera ou non la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) conclue entre Airbus et le parquet national financier (PNF) concernant des faits de corruption. Ces faits ont été révélés dans le cadre de l’affaire dite du « financements Libyens » de la campagne du président Nicolas Sarkozy.

L’affaire porte sur des faits de corruption que l’entreprise reconnait avoir commis via sa filiale en Libye en 2006 afin de faciliter la conclusion d’un contrat de vente de douze avions à la compagnie Libyenne Afriqyah Airways. Pour rappel, Sherpa s’est constituée partie civile le 26 juin 2013  dans cette procédure d’information judiciaire.

Cette audience à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité permet à Sherpa de questionner la conformité aux droits et libertés garantis par la constitution de certains aspects de la justice négociée. Il s’agit d’une première en France : la corruption étant trop souvent, à tort, perçue comme un crime sans victime, le Conseil Constitutionnel n’a encore jamais eu à se prononcer sur la place de la victime dans le cadre d’une CJIP, alors que les entreprises n’ont aucun intérêt à contester l’existence d’un dispositif qui leur est favorable. La présence de Sherpa dans cette procédure en qualité de partie civile permet de représenter le point de vue des victimes et de rendre possible un contrôle de la conformité du dispositif aux droits et libertés garantis par la constitution.

Faisant encore une fois appel à la justice négociée après la première CJIP Airbus conclue en 2020 portant sur des faits de corruption dans plusieurs pays et pour laquelle la société avait été condamnée au paiement d’une amende de 2 milliards d’euros, ce nouvel accord avec le PNF semble vouloir effacer des années de pratiques corruptives. Ce volet de l’affaire des financements libyens est une nouvelle illustration de la tendance néfaste au recours à la justice négociée en matière de corruption. En plus d’instaurer une justice à deux vitesses en faveur des acteurs économiques, elle permet à ces derniers d’acheter leur irresponsabilité.

La CJIP procède en outre à une mise à l’écart des victimes de la corruption, privées de capacité à faire valoir de manière équitable leurs droits et en particulier celui à voir leur dommage justement réparé. Les entreprises ont de fait la pleine maitrise de la procédure, taillée pour servir leurs intérêts.

A la veille de l’audience, Sherpa souligne à nouveau les dangers de la justice négociée en matière de criminalité financière, et du développement d’un droit pénal dérogatoire concernant les entreprises et leurs dirigeants.

Dernière modification: 29 novembre 2022
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