Pour une justice par-delà
les frontières
Les années 2000 signent le retour en grâce de Mouammar Kadhafi, jusqu’alors mis au ban de la communauté internationale pour ses méthodes autocratiques et ses liens supposés avec le terrorisme. Après plusieurs décennies de règne sans partage, le régime autocratique libyen connait ses premières contestations populaires dès février 2011. Dès lors, la répression se transforme en insurrection armée. En août 2011, Tripoli tombe aux mains des mouvements rebelles et Mouammar Kadhafi est capturé et assassiné en octobre 2011.
En 2012, Médiapart publie les premières révélations concernant l’affaire politico-financière dite du « financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy ». En 2011 déjà, Sherpa dénonçait le caractère problématique des relations commerciales entre la France et la Libye de Kadhafi, tout d’abord via le dossier Amesys, puis aux côtés de Transparency International, via une plainte contre des membre du clan Kadhafi pour faire la lumière sur l’origine de leurs biens détenus en France.
Dans la suite du séisme provoqué par les révélations de Médiapart, Sherpa se constitue partie civile en 2013 dans l’affaire du financement libyen. Commençait alors une longue enquête et un combat judiciaire acharné dont l’un des moments centraux a été la confirmation de la recevabilité de Sherpa.
Un dossier qui soulève également le rôle des entreprises privées dans les affaires de corruption transnationale. Parmi ces entreprises, Airbus, qui a reconnu les faits de corruption révélés au cours de l’enquête, commis via sa filiale en Libye en 2006 afin de faciliter la conclusion d’un contrat de vente de douze avions à la compagnie Libyenne Afriqyah Airways, des faits de corruption traités dans le cadre d’une Convention Judiciaire d’Intérêt public (CJIP) conclue entre la société et le Parquet National Financier.
Un dossier tentaculaire qui montre l’interpénétration des pratiques corruptives, entre politique, diplomatie et intérêts économiques, et ce au dépend des victimes.
Le droit est un outil de pouvoir dans la mondialisation, il innerve les rapports de force et favorise l’impunité des plus puissants. Du fait de leur caractère transnational, ou d’enjeux politiques et économiques, de nombreuses situations de violations échappent à la justice. Saisir les juridictions doit permettre de replacer le débat sur le terrain du droit, de donner la parole aux personnes affectées et ainsi de restituer l’outil juridique aux mouvements sociaux.
Grâce au travail d’ONG et de journalistes, les conséquences néfastes de la globalisation sont de plus en plus documentées et dénoncées. Nos actions judiciaires permettent d’engager un débat contradictoire, d’établir les faits, et d’appliquer les règles de droit à ces situations. Elles visent aussi à apporter des solutions concrètes en faisant cesser des violations, en engageant la responsabilité des acteurs concernés et/ou en permettant aux victimes d’obtenir réparation.
Appuyant notre plaidoyer et associées à notre laboratoire de droit et partage d’expérience, nos actions en justice ont vocation à contribuer à un changement plus large et durable. Elles nourrissent le débat public pour mettre en lumière les limites du cadre juridique et les obstacles auxquels font face les victimes du capitalisme mondialisé. Elles établissent des précédents qui viennent façonner un cadre juridique plus protecteur.