Communiqué de presse
Flux financiers illicites

Affaire des « Biens mal acquis » : dépôt d’une nouvelle plainte visant à contourner un énième blocage du parquet

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(C) Reuters

Cette plainte fait suite au refus du parquet d’accorder aux magistrats instructeurs un réquisitoire supplétif – acte pourtant nécessaire à l’instruction de faits nouveaux découverts en cours d’enquête.

 

Paris, 6 octobre 2011. Ainsi que la presse s’en est fait l’écho, des faits nouveaux ont en effet été récemment portés à la connaissance des juges d’instruction. Ces nouveaux éléments font notamment apparaître de possibles opérations de blanchiment susceptibles d’être imputées à plusieurs des personnes visées par la plainte initiale.

Une note d’information de la Direction des Douanes datant de Mars 2011 rapporte ainsi que Teodorin Obiang Nguema, fils du Président équato-guinéen et Ministre d’Etat chargé de l’agriculture et des forêts, avait affrété en 2009 un avion ayant fait escale en France avec à son bord 26 voitures de luxe (dont 7 Ferrari et 5 Bentley). Au même moment, Tracfin, la cellule anti-blanchiment du ministère des Finances, avait informé le parquet que Teodorin Obiang Nguema avait dépensé pas moins de 18 millions d’euros lors de la vente aux enchères de la collection d’Yves Saint-Laurent et de Pierre Bergé en mars 2009[1].

Ali Bongo, peu avant de succéder à son père à la présidence du Gabon en 2009, a acquis une Bentley d’une valeur de 200 000 euros, tandis que le neveu du président congolais Sassou-Nguesso, chargé par son oncle de prélever les taxes sur les tankers de pétrole, a acquis une Porsche d’une valeur de 137 000 euros[2].

Au-delà de la stupéfaction résultant du fait que ces personnes auraient pu effectuer de nouvelles acquisitions de cette nature en France au mépris d’une plainte les visant déjà pour recel de détournement de fonds publics, il apparaît évidemment cohérent que ces faits puissent être appréhendés par les deux magistrats instructeurs saisis. C’est précisément la raison pour laquelle les juges d’instruction ont demandé au parquet de leur accorder un réquisitoire supplétif, afin d’étendre leur enquête à ces nouveaux éléments.

Alors même qu’il n’aurait dû s’agir que d’une simple formalité, le parquet a refusé de donner suite à cette demande obligeant ainsi TI France, toujours avec l’appui juridique de SHERPA, à agir par la voie de la constitution de partie civile.

Le refus ainsi opposé par le parquet conforte, si besoin en était, la position de la Cour Européenne des Droits de l’Homme suivant laquelle le parquet français n’est pas une autorité judiciaire indépendante de l’exécutif[3] et offre une nouvelle illustration des risques liés à l’immixtion du pouvoir politique dans les affaires politico-financières sensibles.

Ce nouveau blocage politique est d’autant plus choquant qu’il intervient à quelques jours de la 4ème conférence des Etats parties à la convention des Nations Unies de lutte contre la corruption (Maroc, 24-28 Octobre 2011) ; ratifiée par la France en 2005, cette convention fait, rappelons-le, de la restitution des avoirs illicites un principe fondamental.

Alors que les révolutions arabes ont souligné l’importance de lutter plus efficacement contre la grande corruption, il est temps que la France donne l’exemple en se conformant strictement à ses engagements internationaux en la matière.


[1] Article de Libération « Biens mal acquis : la justice louvoie », 28 juillet 2011

[2] Article du Monde « Les “biens mal acquis” africains gênent la France», 30 juin 2011.

[3] Voir notamment : CEDH, 23 novembre 2010 (Arrêt Moulin c/ France).