Communiqué de presse
Impunité des multinationales

Lafarge en Syrie : ouverture d’un procès historique pour financement de terrorisme

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Du 4 novembre au 16 décembre se tiendra à Paris le procès de la société Lafarge et de ses anciens dirigeants, accusés de financement d’organisations terroristes dans le contexte de la guerre civile syrienne. Une occasion inédite pour la justice française de se pencher sur la responsabilité des multinationales lorsqu’elles opèrent dans des zones de conflit.  

En 2016, des révélations dans la presse font état de paiements de la société Lafarge au profit de groupes armés, dont l’État islamique, pour maintenir sa cimenterie syrienne en activité alors que le pays est en pleine guerre civile, et ce malgré les graves risques pour ses salarié·es. Les chiffres retenus par les juges d’instruction pour ce procès surpassent les cinq millions d’euros, entre “paiements de sécurité” et achats de matières premières. 

Sherpa, le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) et 11 anciens salariés syriens portent alors plainte contre Lafarge, sa filiale syrienne et ses dirigeants pour complicité de crimes contre l’humanité, financement d’une entreprise terroriste et mise en danger de la vie d’autrui.  

 Après 8 années d’information judiciaire, la société en tant que personne morale et quatre de ses anciens dirigeants français sont renvoyés à partir de demain devant le tribunal correctionnel de Paris pour financement d’entreprises terroristes et non-respect de sanctions internationales. Deux gestionnaires de la sûreté de l’usine et deux intermédiaires syriens sont également renvoyés pour financement d’entreprises terroristes. 

Une étape clé pour faire entendre la voix des victimes

Malgré les multiples recours de la société Lafarge, un procès s’ouvre enfin, marquant une étape importante dans la longue bataille judiciaire menée par les anciens salariés de Lafarge et nos associations.

Au lieu d'investir dans la protection de ses employés syriens en temps de guerre, Lafarge finançait des groupes armés. Neuf ans après avoir déposé cette plainte, nous continuons d'espérer que justice sera faite.

Mohammad, un des anciens employés de Lafarge en Syrie, plaignant dans cette affaire

Plusieurs anciens salariés syriens seront présents pour témoigner de ce qu’ils ont enduré : les nombreux risques pour leur vie, les menaces et les enlèvements. Ils feront entendre leur voix, plus d’une décennie après les faits, pour obtenir justice et demander réparation.  

En tant que parties civiles à l’initiative de la plainte déposée il y a 9 ans, Sherpa et ECCHR seront également présentes lors de ce procès. Conformément à nos mandats, nos organisations seront particulièrement attentives aux enjeux de responsabilité pénale des sociétés et d’accès aux réparations pour les victimes.

L’instruction pour complicité de crimes contre l’humanité se poursuit

Ce procès est cependant loin de marquer la fin de notre combat judiciaire. Lafarge reste mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité – une première mondiale pour une société. Les groupes qu’aurait financé Lafarge – en premier lieu l’État Islamique – sont responsables de graves violations des droits humains à l’encontre de la population syrienne, accusés notamment de crimes contre l’humanité et de génocide du peuple yézidi. Or la Cour de cassation avait déjà conclu dans cette affaire contre Lafarge que “le versement en connaissance de cause d’une somme de plusieurs millions de dollars à une organisation dont l’objet n’est que criminel suffit à caractériser la complicité”(1). Toutefois, la société ne sera pas jugée sur ce point lors du procès qui s’ouvre demain car l’enquête n’est pas terminée et pourrait conduire à un éventuel second procès. 

Nos associations restent mobilisées dans ce volet de l’affaire pour que toute la lumière soit faite sur la responsabilité de la société Lafarge dans les crimes internationaux commis par les groupes qu’elle aurait financé.  

Ce procès s’inscrit dans un contexte marqué par la chute du régime de Bashar al-Assad, il y a près d’un an, qui s’accompagne d’une recherche de justice pour les crimes commis par toutes les parties durant le conflit. Il est important que la lumière soit faite sur la responsabilité de tous les acteurs, y compris les acteurs économiques européens.

Communiqué de :

Sherpa, Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR).

Pour plus d’information : presse@asso-sherpa.org

Mise à jour 06/11/2025 : Le 5 novembre, le tribunal a décidé de reporter la suite du procès au 18 novembre afin de permettre de régulariser une erreur de procédure. Le procès se déroulera jusqu’au 19 décembre.

Note

(1) Décision de la Cour de cassation du 7 septembre 2021.